Bienvenue dans cette première édition d’un nouveau format chez Exotec, l’Exotalk. L’idée : prendre de la hauteur avec un invité expert pour décrypter un sujet qui compte. Aujourd’hui, nous nous penchons sur une question cruciale : l’innovation est-elle la clé de la réindustrialisation ?
Dans cette conversation, Renaud Heitz, co-fondateur d’Exotec, et Anaïs Voy-Gillis, spécialiste des questions industrielles, explorent les grands enjeux de la réindustrialisation française. Ensemble, ils échangent sur l’innovation, qu’elle soit technologique, organisationnelle ou territoriale, et comment celle-ci peut devenir un levier de réindustrialisation, à la lumière de l’exemple d’Exotec.
Les intervenants
Anaïs Voy-Gillis
Anaïs Voy-Gillis est chercheuse associée à l’université de Poitiers, elle se spécialise dans les politiques industrielles et la réindustrialisation.
Auteure de Pour une révolution industrielle, elle explore les questions d’imaginaire et de renouveau industriel, cherchant à rendre compatibles les modèles industriels avec les enjeux climatiques et environnementaux.
Renaud Heitz
Renaud Heitz est ingénieur diplômé des Mines de Paris, Renaud est CTO et co-fondateur d’Exotec Solutions aux côtés de Romain Moulin (CEO). Depuis 2015, Exotec développe des systèmes de robotisation et d’automatisation pour entrepôts logistiques, servant de grands logisticiens mondiaux avec des solutions intégrées.
Réindustrialiser : une nécessité
Depuis 2020, les crises successives — pandémie mondiale, guerre en Ukraine — ont ravivé en France un besoin longtemps sous-estimé : celui de réindustrialiser. Pour Anaïs Voy-Gillis, cette prise de conscience dépasse le simple impératif économique : « Réindustrialiser, c’est aussi une question de souveraineté, de cohésion sociale et de transition écologique. »
Pourtant, le pays a vu s’effondrer son tissu industriel : 2,3 millions d’emplois perdus en 40 ans, et une part de l’industrie dans le PIB divisée par deux. Mais le tableau n’est pas tout noir. En valeur ajoutée brute, la France reste l’un des poids lourds industriels de l’Europe, derrière l’Allemagne. « Le discours dominant insiste souvent sur ce qui ne va pas, or il est aussi essentiel de montrer que des réussites industrielles sont possibles », insiste Voy-Gillis.
Dans ce contexte, l’exemple d’Exotec vient illustrer concrètement ce que peut être une renaissance industrielle par l’innovation.
L’innovation, moteur de l’aventure Exotec
Fondée il y a dix ans, Exotec a bâti son développement sur une innovation de rupture : des robots capables de se déplacer en trois dimensions pour automatiser les entrepôts logistiques.
Pour Renaud Heitz, co-fondateur, la réindustrialisation est un processus de longue haleine, qui exige vision, rigueur et persévérance. « On entend parfois qu’Exotec a grandi vite, mais entre l’idée initiale et notre maturité industrielle, il a fallu huit ans. »
Deux premières années ont été consacrées à la R&D, avant l’ouverture successive de trois usines dans la région de Lille. Ce choix géographique ne relève pas du hasard : « Nous voulions que les ingénieurs soient assis à côté des lignes de production. L’innovation se nourrit de cette proximité. »
Avec 400 employés, dont la moitié en R&D, Exotec conçoit et assemble 100 % de ses produits en France, tout en réalisant la majorité de son chiffre d’affaires à l’international. Cette performance repose sur une stratégie claire : vendre non pas des composants isolés, mais des systèmes logistiques complets – une solution logistique intégrée – qui confèrent à l’entreprise une forte valeur ajoutée et une différenciation marquée.
Innover, dans toutes les dimensions de l’entreprise
L’innovation, rappelle Anaïs Voy-Gillis, ne se limite pas aux technologies. Dans le cas d’Exotec, l’entreprise incarne une double innovation – technique et organisationnelle – fondée sur la flexibilité et la capacité à produire en circuit court.
Pour Renaud Heitz, cette dynamique repose sur un modèle exigeant. L’entreprise a déjà conçu neuf versions de son robot, dans un environnement où la propriété intellectuelle protège, mais ne garantit rien. « Un brevet protège une méthode, pas un usage. Il faut innover plus vite que la concurrence. »
Cette pression à l’excellence se retrouve aussi dans la gestion de la relation client. Renaud Heitz évoque « la tenaille de l’innovation », entre besoins du terrain et contraintes techniques, que le « product management » permet de réguler. Ce rôle de médiateur entre clients, production et ingénierie est, selon lui, aussi central dans l’industrie que dans le digital. Il s’agit de rendre l’innovation tangible, utile et industrialisable.
Une industrie à reconstruire, durable, ancrée et compétitive
Réindustrialiser ne signifie pas reproduire le passé. Selon Anaïs Voy-Gillis, cela implique de repenser les modèles industriels en tenant compte des impératifs environnementaux, de l’internationalisation et de la création de valeur servicielle. « Réindustrialiser, oui, mais pas comme il y a 20 ans. Il faut intégrer les limites planétaires et penser l’industrie comme un acteur de la transition. »
Pour Renaud Heitz, cette transition doit aussi être mesurable : « Aujourd’hui, il manque des indicateurs standardisés pour comparer les impacts environnementaux des solutions industrielles. » L’exigence est d’autant plus forte qu’Exotec évolue dans un secteur B2B ultra-concurrentiel, où « être presque aussi bon » ne suffit pas pour remporter un marché.
D’où l’importance de nouer des partenariats solides, aussi bien avec les clients qu’avec les fournisseurs. Le cofondateur reconnaît toutefois les limites de l’écosystème industriel local : « Certains sous-traitants français sont bons, mais pas encore au niveau mondial. Il faut parfois faire des choix difficiles. » Naviguer sur cette ligne de crête entre exigence globale et ancrage local constitue l’un des défis majeurs de la réindustrialisation.
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3 juillet, 2025 | OnlineDécouvrez la robotique d'entrepôt nouvelle génération